Pour la semaine de visibilité du spectre aromantique (du 16 au 22 février), nous avons publié en avant-première des articles du numéro sur l’aromantisme, que vous pouvez retrouver ici.

Être asexuelle et en surpoids

Article original par Krystal Cooper ; traduit par LAbare / Florïan Lorenzetta

Thèmes : asexualité, grossophobie.

La société actuelle semble prêcher qu’être mince, c’est ce qu’il y a de mieux et de plus attirant, et qu’être en surpoids, c’est non seulement signe de mauvaise santé, mais aussi ce qu’il y a de moins attirant. Être en surpoids, ça veut dire avoir moins de chances de trouver le grand amour, de faire des rencontres, d’être vue’ comme attirante’, etc. Pendant longtemps, j’ai lutté contre un surpoids causé par un mélange de syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) et d’hypothyroïdie. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour perdre du poids, parce que je voulais être comme les autres filles à l’école. Je voulais être mince, avoir un copain, et être populaire.

Ce qui est drôle, c’est que je voulais avoir un copain non pas par amour ou par envie d’une relation ; je voulais avoir un copain juste pour me sentir normale. La plupart des filles autour de moi bavaient devant les garçons, donc je les ai imitées pour me sentir intégrée au groupe. En fait, la plupart des choses que j’ai faites au collège, c’était pour ne pas me sentir exclue. Je me suis forcée à beaucoup de choses juste pour me sentir normale. En quatrième, je me suis inscrite à une salle de muscu, et j’y allais tous les jours après les cours. J’y passais deux heures par jour, en plus des cours d’éducation physique obligatoires du collège. J’ai fait des régimes, et pendant un moment j’ai même arrêté de manger, tout ça pour essayer de perdre du poids.

Au bout d’un an, quand je me suis rendue compte que ça ne marchait pas, honnêtement, j’ai abandonné. À l’époque, je ne savais pas que j’avais le SOPK. Je n’ai découvert ça qu’en entrant au lycée. Donc j’ai abandonné, et je suis restée la fille timide et silencieuse plongée dans les bouquins et les devoirs. Tout le long de mes années de lycée, je me demandais ce que ça ferait d’être mince, d’avoir un copain, et d’être normale. Tout ce que je voulais, c’était être normale, parce que dans ma tête, je ne l’étais pas. J’étais en surpoids, ce qui voulait forcément dire que j’étais moche, donc qu’aucun garçon ne voudrait sortir avec moi. Je me suis fait une raison, je ne connaîtrai jamais l’amour.

Puis j’ai fini mes études au lycée et je suis entrée à la fac. J’étais toujours timide, en surpoids, et sans copain. J’ai commencé à me demander si je n’étais pas bizarre ou anormale, vu que je n’avais jamais eu de copain et jamais embrassé de garçon. Je n’avais jamais dansé avec un garçon au bal de fin d’année. Ces pensées me hantaient et me rappelaient à une seule chose : mon poids. J’en ai conclu que c’était ça la source de tous mes problèmes. C’était pour ça que j’étais si timide. C’était pour ça que je n’avais jamais eu de copain. C’est pour ça que je me sentais ainsi. J’ai été prompte à attribuer mes problèmes à mon poids. J’ai même été prompte à me dire que j’avais des problèmes, parce que je croyais encore que tout ça, c’était normal.

Puis il a fallu que je suive un cours sur la sexualité humaine pour ma licence, et honnêtement, cette simple idée me rendait nerveuse. Depuis mon plus jeune âge, je n’ai jamais voulu parler de sexe. Je trouvais ça dégoûtant, et je me sentais mal à l’aise en voyant ou en lisant des scènes de sexe. Mais ce cours s’est révélé être la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. Les cours sur la sexualité humaine ont commencé pour mon groupe, et soudain, dans mon manuel, j’ai vu le mot qui a changé ma vie : Asexualité.

Je n’en avais jamais entendu parler auparavant, et j’ai été piquée par la curiosité. J’ai lu ce que mon manuel avait à en dire, puis j’ai fait des recherches sur Internet, et soudain, tout a pris sens. Je me suis rendue compte que je n’étais pas anormale, que je n’avais rien de dysfonctionnel. J’étais une asexuelle répugnée par le sexe. Ce moment-là fut très libérateur, mais j’avais encore beaucoup de chemin à faire. Parfois, j’avais encore des doutes. Peut-être que je m’étais juste convaincue que j’étais asexuelle parce que je n’avais jamais réussi à avoir de copain. Je pensais encore que la raison pour laquelle je n’avais pas de copain, c’était à cause de mon apparence. Ce n’est que récemment, l’année dernière en fait, que je me suis réellement acceptée comme je suis.

Accepter mon asexualité, ça m’a aussi aidée à accepter mon apparence. Grâce à ça, je me suis rendue compte que je n’ai pas besoin d’être mince pour attirer les gens, parce qu’au fond, je ne voulais pas vraiment d’une relation, et quand bien même, ça devrait être avec une personne qui m’accepte sans que mon poids ne pose problème. Je me suis également rendue compte que la seule raison pour laquelle je devrais perdre du poids, ce serait pour être en meilleure santé. Depuis l’année dernière, en mangeant plus équilibré et en faisant plus d’exercice, j’ai perdu du poids, malgré tous les obstacles sur mon chemin. Quand j’en reprends un peu, je ne me sens pas aussi abattue qu’avant. La pression sociale d’être mince pour plaire aux gens a disparu, et c’est un véritable soulagement.

Ça ne veut pas dire que je n’ai plus de problèmes. J’en ai encore. La société continue de prêcher l’importance d’être mince et attirante. On continue de placarder du sexe partout. Être en surpoids et asexuelle, ça me vaut de la méchanceté de la part de certaines personnes. On m’a dit que ma sexualité n’était qu’une invention, ou que j’étais simplement perdue. On m’a traitée de grosse, de baleine, de mocheté, et bien d’autres immondices. La différence, c’est qu’avant, ces commentaires m’auraient fait fondre en larmes, mais maintenant, je me sens plutôt confiante en moi-même.

Je veux simplement que les autres se sentent à l’aise avec elleux-mêmes. Si ce texte peut inspirer ne serait-ce qu’une seule personne, alors c’est une réussite. Notre communauté asexuelle a encore beaucoup de chemin à faire pour être comprise et acceptée. Nous qui sommes en surpoids, nous avons de nombreux obstacles à surmonter en ce qui concerne les discriminations et le body-shaming. La seule chose que j’ai à dire, là maintenant, c’est que tu n’as rien d’anormal. Ta beauté est là, elle ne dépend pas de ton apparence mais de tes actions et de ton empathie pour les autres. Ne laisse pas les autres te dicter qui tu es. Tu dois décider de cela toi-même.