frAZE, Volume 1, numéro 3 :
l’asexualité et le corps
Avant-propos : De l’asexualité et du corps
Par Michael Paramo
Un corps humain peut n’être rien de plus, ou être beaucoup plus que sa réalité physique. Dans l’espace public, nous absorbons souvent du premier regard les qualités anatomiques et phénotypiques des corps ; ces perceptions que nous avons peuvent amener à des murmures qui se glissent dans notre inconscient, ou à des cris étouffants qui font battre notre cœur plus fort, mais chaque corps nous révèle quelque chose. L’expression de chaque corps est influencée par notre culture, formée par les médias, la famille, la religion, l’éducation scolaire, et bien plus. Nos propres corps sont des reproductions de cette culture, et piégés dans sa soif de préservation, la reproduisent potentiellement. C’est dans ce cercle vicieux que se produit la consommation de nos corps. Notre corps est-il notre fatalité ? Peut-on transcender ce système ? Il est toujours possible, et nous continuons, de résister et de déranger, de décoloniser et de déconstruire, de désapprendre et de déconditionner, ou tout du moins d’essayer. Savoir si nos efforts porteront leurs fruits, c’est une question qu’il faudra se poser plus tard.
Si nos corps sont les machines reproductrices de la société, quelle place a le corps asexuel ? Comment définit-on même un corps asexuel ? On peut déjà noter que la société ne distingue pas souvent les corps asexuels. Une personne peut être asexuelle, mais il est difficile de le savoir simplement en la voyant. C’est plutôt par nos confessions intimes ou publiques que les autres apprennent nos identités, ce qui provoque souvent le doute, et bien d’autres émotions, dans l’audience. Dans ce moment critique de transition, lorsque l’on décide de partager notre asexualité, nos corps deviennent d’un seul coup des sujets de dissection. Ce que l’on dit et ce qu’iels voient, est-ce la même chose ? Nos corps leur ont-ils l’air asexuels ? Certains corps sont considérés d’avance comme « asexuels », pour d’autres cela est impensable ; ces préjugés se construisent entre autres à l’intersection de la race, de l’ethnie, du genre, de l’âge, des identités LGBTQIA+, de la grosseur, du handicap, et des standards hégémoniques de la beauté.
Les articles de ce numéro, écrits par des auteurices de toutes asexualités, s’attaquent aux questions et aux concepts introduits ci-dessus, en parlant de body positivisme, de gestion de notre identité, de reproduction, de santé, de maîtrise de nos relations, d’intersectionnalité, et plus encore pour explorer ces thèmes de l’asexualité et du corps.