Pour la semaine de visibilité du spectre aromantique (du 16 au 22 février), nous avons publié en avant-première des articles du numéro sur l’aromantisme, que vous pouvez retrouver ici.

Un examen de routine

Article original par Saralyn Smith ; traduit par LAbare / Florïan Lorenzetta

Thèmes : asexualité, violence médicale, frottis.

« Ça ira mieux une fois que vous ne serez plus vierge. »

J’étais en plein exercice de respiration profonde pour me calmer, je sentais mon visage reprendre des couleurs. Les mots sortirent avec tellement de nonchalance et un ton qui se voulait rassurant ; mon cœur se remit à battre plus fort.

Je n’ai jamais prononcé le mot « asexuelle » devant ma doctoresse, mais elle savait que j’étais vierge et que je n’avais pas prévu de changer cet état. J’avais tout juste commencé à me questionner sur l’asexualité quand je l’ai vue pour la première fois, et ça ne m’a jamais paru être un sujet à aborder. J’entrais dans le cabinet, je répondais aux questions inutiles sur mon activité sexuelle et mon (im)possibilité de tomber enceinte, puis on passait au véritable motif de la visite.

Quand j’ai subi mon premier frottis, cependant, il s’est révélé que mon état d’asexuelle vierge avait de l’importance. J’ai évité cet examen presque jusqu’à ma trentaine, me disant que ce n’était pas la peine puisque je n’avais pas d’activité sexuelle. J’ai fini par prendre rendez-vous avec ma médecienne traitante dans un accès de responsabilité. Je me sentais plus à l’aise avec elle qu’avec la plupart des doctoresses’ que j’avais eues’ auparavant, et elle était très compétente. Ça allait bien se passer.

…Ça ne s’est pas bien passé. C’était une véritable torture, et j’ai ressenti une sorte de honte à avoir si mal. Pourquoi mon corps ne voulait-il pas simplement coopérer ? Un frottis, c’est censé être un examen de routine. On essaie de systématiser cet examen afin que personne ne glisse la question sous le tapis, et moi j’étais là au bord de l’évanouissement.

Avant la moitié de l’examen, ma doctoresse s’est arrêtée et m’a demandé si je voulais réessayer une autre fois. Je faisais tout mon possible pour me détendre, pour respirer, pour tenir le coup malgré la douleur physique intense et les émotions qui me débordaient de l’esprit. Quand elle a posé la question, tout ça s’est effondré, et je me suis mise à paniquer. Réessayer ? Bientôt ? Certainement pas. J’ai serré les dents.

Ce fut un grand moment de soulagement quand elle m’a annoncé qu’elle avait fini. J’avais réussi. J’ai fermé les yeux et je me suis remise à mon exercice de respiration pour me calmer, pendant que ma doctoresse, qui allait bientôt tomber enceinte pour la deuxième fois depuis que j’avais commencé à la fréquenter, racontait comme quoi je pourrai attendre trois ans entre chaque frottis une fois que j’aurai trente ans. Puis,

« Ça ira mieux une fois que vous ne serez plus vierge. »

Les larmes me sont montées aux yeux, alors qu’elle continuait de m’expliquer les étapes suivantes de l’examen, puis elle quitta la pièce, sans plus de souci. Je me suis rhabillée, j’ai enfourché ma petite moto, et je suis retournée au boulot. Ça s’est révélé être une très mauvaise idée : j’ai été prise de nausée et de sensations pénibles toute l’après-midi. De nausée, de sensations pénibles, de frustration, et d’angoisse pour la prochaine fois et la fois d’après…

Tous les deux mois, mon assurance maladie m’envoie un courrier pour m’annoncer qu’il est temps de passer mon « dépistage féminin nécessaire ». Tous les deux mois, il atterrit droit dans la poubelle.