Pour la semaine de visibilité du spectre aromantique (du 16 au 22 février), nous avons publié en avant-première des articles du numéro sur l’aromantisme, que vous pouvez retrouver ici.

Normalité

Article original par Alex Stabler ; traduit par LAbare / Florïan Lorenzetta

Thèmes : asexualité, hétéronormativité, neurodivergence.

Je suis asexuel. Pourquoi est-ce si difficile à dire ? Surtout à d’autres personnes. Pourquoi est-ce que je me sens presque honteux de l’admettre ? Pourquoi est-ce que j’ai l’impression de dire aux gens que je suis un monstre ?

Quel est ce monde dans lequel on nous encourage à ressentir de la honte pour nos sentiments, de la honte pour notre apparence, de la honte pour notre identité ? Quel est ce monde qui nous abandonne à nous-mêmes pour que l’on comprenne ce qui nous diffère, au lieu de nous rappeler ce qui nous unit toustes ?

Je suis asexuel. Il m’a fallu des années pour en arriver là, des années pour comprendre ce que cela signifie et pour me sentir à l’aise d’utiliser ce mot pour me décrire ; mais il me décrit bel et bien. Voilà qui je suis. Et c’est ce à quoi tout le monde a droit : un mot, une formule, un terme pour soi. Pour nous rappeler que nous sommes toustes des gens, des êtres humains. Que nous sommes toustes normales’.

La normalité : un mot qui a perdu son sens il y a bien longtemps, un mot englouti par celleux que la société favorise, utilisé pour ne les décrire qu’elleux, un mot que la majorité ne peut pas utiliser simplement parce qu’on ne se conforme pas à ces attentes spécifiques.

Trouve-toi un copain, trouve-toi un mari : ça n’intéresse pas certaines personnes. Trouve-toi une copine, trouve-toi une femme : ça n’intéresse pas certaines personnes. Fais l’amour, fonde une famille : ça n’intéresse pas certaines personnes. Ça ne m’intéresse pas.

Parce que je suis asexuel. Et pourtant, on ne veut pas abandonner ces définitions archaïques, selon lesquelles les êtres humains seraient faits d’une certaine manière, les hommes comme ceci et les femmes comme cela, et c’est ainsi. Et tout ce qui dévie de cette norme est pointé du doigt comme un monstre.

Mais personne ne choisit qui iel est. Personne ne crée son personnage au début du jeu de la vie ; personne ne choisit une option bi, gay, ace, aro, trans… Personne ne va dans un club LGBT pour être le centre de l’attention, pour être un « petit flocon de neige unique ». Nous ne sommes pas des hétéros refoulées’ ou des victimes de traumatismes. Ça n’a rien à voir avec la dépression ou la santé mentale. C’est juste ce que nous sommes. Pourquoi devrions-nous avoir honte de dire aux autres qui on est ? En quoi ne sommes-nous pas normales’ ?

La triste vérité, c’est que certaines’, en voyant le mot « asexuelle’ », comprennent « monstre ». Mais ça n’est pas ce que ce mot signifie. Il signifie qu’il y a d’autres personnes comme nous. D’autres personnes qui vont bien, qui survivent. Qui sont heureuses. C’est un moyen pour les autres de nous comprendre, et un moyen pour nous-mêmes de nous comprendre. C’est ce que tout le monde, toute personne sur Terre désire : être respectée’, être comprise’, être normale’.

Tu es bisexuelle’ ? Tu es normale’. Gay ? Normale’. Pansexuelle’ ? Normale’. Transgenre ? Normale’. Aromantique ? Normale’. Demisexuelle’ ? Normale’. Asexuelle’. Normale’. Tu as de l’anxiété ? On s’en fiche, tu es normale’. Tu es en dépression. Normale’. Tu as un stress post-traumatique… Je pourrais continuer longtemps comme ça.

Nous ne sommes toustes qu’un point de plus sur le spectre de l’humanité, qu’un assemblage unique de désirs et de sentiments et de pensées. Que je n’aie pas envie de procréer, que quelqu’une’ ne se sente pas du genre assigné à sa naissance, qu’un homme aime à la fois Roméo et Juliette, on s’en fiche. Que certaines’ d’entre nous ne puissent pas faire ce que d’autres peuvent, ou que certaines’ d’entre nous ne veuillent pas, on s’en fiche. Nous sommes toustes différentes’ ; nous sommes toustes uniques ; et c’est pour cela… que nous sommes toustes pareilles’.

Et nous sommes toustes normales’. Et ça peut nous demander un certain temps d’adaptation, mais une fois qu’on a compris ce que ça veut dire et qu’on se sent à l’aise d’utiliser ce mot pour se décrire, voilà ce que nous sommes. Un mot auquel tout le monde a droit ; un mot, une formule, un terme pour soi. Pour nous rappeler que nous sommes toustes des gens, des êtres humains, que nous ne sommes pas seules’, que nous ne sommes pas dysfonctionnelles’, nous ne sommes pas des monstres, nous ne sommes pas bizarres. Nous sommes comme tout le monde.

Il est grand temps de montrer au monde que nous n’avons pas peur de dire à voix haute qui nous sommes. Il viendra, ce jour où nous pourrons toustes réclamer le droit de se sentir normale’. Et personne, pas même une’ présidente’ ou une’ première’ ministre, ne peut nous enlever cela, peu importe leurs efforts.

Parce qu’au fond de nous-mêmes, nous le savons, et je le sais. Et je n’arrêterai pas de le clamer jusqu’à ce que tout le monde le sache : JE. SUIS. ASEXUEL. Et ça veut dire que je suis normal.