Pour la semaine de visibilité du spectre aromantique (du 16 au 22 février), nous avons publié en avant-première des articles du numéro sur l’aromantisme, que vous pouvez retrouver ici.

Obsession du sexe, répugnance pour le sexe

Article original par Joanny Leyva ; traduit par LAbare / Florïan Lorenzetta

Thèmes : asexualité, sexe, rejet dans la communauté queer.

Je ne me souviens pas du moment exact où j’ai découvert ce qu’était le sexe.

Je me souviens qu’en primaire, je savais déjà que mentionner “eso”, « la chose », provoquait de la honte lorsqu’il y avait des adultes, et de la gêne quand j’en parlais à mes camarades. Même le simple fait de chercher le mot dans le dictionnaire me faisait me sentir coupable, comme si le texte même allait me frapper d’une marque écarlate qui ferait savoir à tout le monde que j’étais trop curieuse pour mon propre bien.

Ce dont je me souviens, c’est l’obsession que j’ai rapidement développée pour tout ce qui avait trait à deux personnes faisant ‘eso’. Je feuilletais nonchalamment des livres d’anatomie et m’attardais sur le système reproducteur. Je restais tard dans le salon et faisais semblant d’être endormie pour regarder les films érotiques qui passaient à la télé. Lorsqu’il y avait des scènes de sexe dans les telenovelas, je faisais l’innoncente, comme si je n’étais pas intéressée par ce dont ma mère me disait de détourner le regard. Je trouvais même de l’intérêt dans les documentaires animaliers.

Lorsque j’ai eu accès à Internet (et que j’ai appris à supprimer mon historique de navigation), ma soif de connaissance commençait enfin à être étanchée. À onze ans, j’en savais plus sur le sexe, mis à part l’aspect pratique, que l’Américaine’ moyenne’ tout juste diplômée’.

Tout au long de mes découvertes, je ne me suis jamais vraiment arrêtée sur la question de ma propre place dans l’océan de la sexualité. Mon imagination se limitait à me considérer comme une observatrice, jamais une participante. Je n’avais personne à qui parler de sujets sexuels sans qu’on ne me régurgite les manuels scolaires ou qu’on me passe un sermon ; j’ai donc tout simplement décidé que l’envie me viendrait en grandissant, que je finirais par développer la capacité d’y participer.

Des années ont passé, et j’en suis toujours à essayer de comprendre la relation que j’ai au sexe. J’ai la chance de connaître quelques personnes qui me comprennent et me soutiennent sans faille, mais je sais que tout le monde ne l’a pas. Je sais à quel point il peut être difficile de se sentir légitime d’être « juste asexuelle’ ». Comme je suis également panromantique, il m’est moins difficile de m’intégrer dans la communauté queer, mais je me retrouve toujours à devoir laisser de côté mon identité asexuelle pour me sentir mieux accueillie. Ça ne me dérange pas de parler de sexe ou de mes quelques expériences sexuelles, mais je déteste que tant de conversations tournent autour de ça. Le sexe est un phénomène qui m’a toujours fascinée, et je voudrai toujours en apprendre plus, mais je refuse de le laisser encore freiner mon développement personnel.