Pour la semaine de visibilité du spectre aromantique (du 16 au 22 février), nous avons publié en avant-première des articles du numéro sur l’aromantisme, que vous pouvez retrouver ici.

Couleurs

Article original par Sean Dunne ; traduit par LAbare / Florïan Lorenzetta

Thèmes : désir, questionnement.

Je me retrouve encore là,
allongée sur le dos, le regard fixé sur une LED aux couleurs fluorescentes qui changent toutes les quelques minutes.
Bleue.
Je me sens comme il y a très peu,
piégée dans une eau trouble
l’oreille tendue vers le monde,
à essayer avec trop de désespérance de cerner
les sons étouffés,
les images obscures.
Jaune.
J’ai entendu le soleil se demander :
Où vont les étoiles lorsque j’apparais dans le ciel ?
Et la lune lui a répondu :
elles ont peur de ta lumière.
C’est comme ça que j’ai appris à vivre,
dans la crainte de ma propre lumière.
Je ne sais pas qui est en tort, elleux ou moi, mais il va bien falloir un jour que quelqu’une’ assume ce tort.
Je te regarde, et je prie pour que ce ne soit pas moi.
Toi,
blanche,
tu es une vision que l’on ne peut qu’entrapercevoir,
tu es comme une œuvre d’art sur un mur, ne pas toucher,
on ne peut que regarder.
une seule fois.
une seule fois.
Violette.
Je déteste à quel point tout glisse dans tes mains, comme si tu ne pouvais pas t’accrocher à quoi que ce soit.
J’ai fait tant d’efforts
Je me suis faite toute petite pour que tu n’aies pas à t’attacher
pour que je n’aie que ma présence à imposer.
Mais mon corps n’a jamais résonné en accord avec quiconque.
Peut-être que tu as trop peur de la manière dont je veux t’aimer.
Noire.
Tu perds tout intérêt.
Pour les livres,
Pour les films pour
les séries télé pour moi.
Tu perds le sens de l’orientation tu t’égares toi douce créature fuyante
que tu es.
Je ne te trouve pas je prends peur je n’ai pas de carte j’ai peur de la manière dont tu changes
constamment de couleur et je ne sais pas où aller maintenant.
J’ai pensé pouvoir voyager dans le temps, regarder tes feuilles faner en accéléré, je voulais tellement le faire.
Mais les feuilles ne tombent qu’à l’automne, et je crois que j’étais la seule à tomber.
Alors j’ai pensé à retourner dans le passé,
regarder tes fleurs éclore au ralenti, j’ai pris du recul et j’ai fait tant d’efforts.
Mais l’hiver a duré trop longtemps, le printemps est arrivé trop tard le temps m’a échappé tu vas fleurir et je ne serai pas là pour le voir.
Maintes fois l’envie me prend de tout te dire,
d’expliquer ce qui m’a forgée comme je suis pour que tu me comprennes,
Et ce que le temps m’a fait endurer.
Ce que je fais, c’est toujours trop peu, trop tard.
Je crois que peut-être,
si tu savais tout cela il y aurait moyen que ça aide.
Mais les explications n’aident que si on les explique,
et je ne sais pas si tu veux remettre toutes ces pièces en ordre.
Toi,
énigmatique par nature,
toi ma chère,
tu as tout un univers en toi et il change constamment,
toujours fluorescent.
Je ne peux pas te maintenir.