Pour la semaine de visibilité du spectre aromantique (du 16 au 22 février), nous avons publié en avant-première des articles du numéro sur l’aromantisme, que vous pouvez retrouver ici.

Non, ce n’est pas ça

Article original par Penelope Daniel ; traduit par Rosefinch

Thèmes : aromantisme, amitiés, représentation.

Au moment où tu me demandes ce que ça veut dire, aromantique, tu as ton bras autour de mes épaules.

Je réfléchis vraiment à comment je vais tourner ça. Je repense à la fois où j’ai essayé d’en parler à JJ. J’avais à peine eu le temps de lui dire que je ne voulais pas me marier ou vivre avec quelqu’une’. Que je ne pouvais pas imaginer qu’un jour ma relation avec quelqu’une’ puisse prendre plus de place que mes relations avec mes amies’.

Je n’ai pas pu continuer, elle a rétorqué : « Mais c’est pas être queer ça, c’est juste avoir peur de s’engager. »

(Elle vit avec quelqu’une’ d’autre maintenant. Iels ont des chats. Iels ont l’air heureuxses. Je leur souhaite plein de bonheur.)

Je repense à la fois où j’ai essayé d’en parler avec ma psy. J’avais commencé à expliquer que je n’arrivais pas à gérer les attentes des autres au sujet des relations, leur idée d’aimer « entièrement » et « pour toujours ». Que je détestais l’expression « être juste amies’ », parce que mes amitiés, c’est ce que j’ai de plus cher au monde.

Elle avait eu l’air perplexe. « Est-ce que… ce n’est pas juste une approche plus saine de l’amour ? Plutôt que pas d‘amour du tout ? »

Je sais qu’elle essayait juste de m’aider.

Je repense à la fois où j’ai essayé d’en parler avec Josh. J’avais fait remarquer que les gens parlent de leurs relations amoureuses et de leurs relations amicales comme si c’était deux choses différentes, comme si ces relations n’étaient pas toutes faites du même amour. Mais toutes les fois où j’ai aimé, que ce soit cette’ ex à l’autre bout du monde, avec qui je reparle encore de temps en temps, ou ces amies’ que je considère comme ma famille, ou cette’ amante’ avec qui je partageais un week-end de débauche par mois… toutes ces fois où j’ai aimé, mon amour était fait des mêmes briques. La seule chose qui change, ce n’est pas le matériau, ce n’est pas quelque chose de magique, venu d’on ne sait où : c’est comment on décide de construire ces relations.

Il avait réfléchi pendant un bon moment avant de me demander : « C’est pas… c’est pas juste comme ça que ça marche, l’amour ? »

Et oui, peut-être. Peut-être qu’au fond, tout ce que je fais, c’est juste refuser de faire rentrer ma vision de l’amour dans un moule sur lequel on a gravé « Made in Colonialisme ». Et peut-être que je le fais juste savoir plus ouvertement que les autres. Peut-être que personne ne ressent l’amour romantique exactement comme on l’imagine. Peut-être que ce n’est qu’une question d’intensité, peut-être que ces deux types d’amour ne sont pas fondamentalement différents.

J’ai simplement besoin que tu me fasses confiance quand je dis qu’aucune de ces raisons n’est la vraie, la racine profonde du problème. S’il te plaît, fais-moi confiance quand je te dis qu’au fond de moi, je sais que la façon dont j’aime va à contre-courant du reste du monde. Fais-moi confiance quand je te dis que jamais, dans aucun film, dans aucun poème, on n’a célébré l’amour tel que moi je le ressens. Quand je te dis que toute ma vie, j’ai eu ce sentiment de ne pas suffire, d’avoir en moi quelque chose de cassé, d’incomplet, de n’avoir aucune valeur. Qu’à chaque fois que je professe mon amour à quelqu’une’, même à toi, je dois traduire cet amour dans une langue étrangère à mon cœur. S’il te plaît, fais-moi confiance quand je te dis que je me sens seûl. Fais-moi confiance quand je te dis que j’ai peur de ne jamais trouver ma place. Quand je te dis que j’ai peur qu’au fond, je sois vraiment un « cœur de pierre ». Que j’ai peur que t’aimer et croire en toi et t’adorer et coucher avec toi, que tout ça, ça ne suffise pas, parce qu’il n’y a « pas de passion ».

Je t’explique ce que ça veut dire, aromantique. Et après ça, tu as toujours ton bras autour de mes épaules.